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Ce n’est pas tant que j’aimais les animaux, mais j’ai toujours eu un goût pour le bricolage. Alors j’ai construit l’Arche en bois de résineux, et j’ai fait grimper à bord ces créatures puantes, sans même l’aide d’un pique-bœuf.

Tonton Noé, tu n’as jamais été capitaine de navire, tu conduisais des bus ! Et tu avais des ordres.

Bon, un bus, alors. Un joli bus argenté avec un toit rouge, monté de toutes pièces avec mes mains.

Non, non, Tonton Noé. Tu avais un bus normal, fait par un fabricant de bus. Pourrais-tu raconter les choses comme elles se sont vraiment passées ?

Et alors ? Un bus normal, donc. Un matin, mes collègues et moi avons été appelés par le chef de station, et il nous a dit remplacer notre itinéraire par un autre. Nous devions récupérer tous les couples d’animaux rencontrés en chemin entre la Station Centrale et le Terminus.

Et tu penses que nous allons te croire ? Une poignée de chauffeurs de bus capturant à main nue des kangourous dans les rues de la ville ?

Dites, les animaux ont bien été sauvés, non ? J’empâte, je rajoute, mais c’est pour la beauté du récit. Alors d’accord, si vous y tenez. Les animaux étaient déjà rassemblés et parqués quand nous sommes allés les chercher. Il y avait des douzaines de types en uniforme avec des fusils tranquillisants. Parce que les bêtes étaient nerveuses. Entre celles qui se battaient, celles qui se dévoraient et celles qui baisaient...

Pas besoin d’être vulgaire, Tonton Noé...

... ça faisait un sacré raffut. Oui elles baisaient. Vous appelez ça comment ? Elles sentaient le danger arriver, et les créatures en danger pensent à la survie de l’espèce. Enfin, les types en uniforme s’efforçaient de les calmer autant qu’ils pouvaient. On a pu ouvrir les portes des bus que quand ils ont eu la situation en main. Alors on a fait monter les couples.

C’était vraiment des couples ?

Plutôt des groupes de 5 ou 10, en fait. L’idée était d’avoir au moins un couple fertile par espèce. D’après les calculs, un tiers devait mourir pendant le voyage. Et puis c’était parfois difficile de distinguer les filles des garçons. On avait pas le temps de les retourner pour vérifier. On en a juste fait rentrer assez pour se donner une marge.

Tu avais quoi à bord ?

J’ai eu de la chance. Je craignais de récupérer des araignées ou des serpents. Mais j’ai eu des pingouins à la place, toute une tripotée d’espèces, tous très bruyants avec de petits yeux vides. Et ils m’ont salopé les sièges aussi.

Vous n’aviez pas enlevé les sièges ?

Quand j’y pense, sûrement que si. Enfin quoiqu’il en soit, tous les bus et les camions ont été rassemblés en quatre files, et on est partis. Maintenant que je n’avais plus peur des animaux, j’ai commencé à angoisser à cause de la tempête. Je regardais derrière moi tout le temps, à chercher des signes dans les nuages. Et puis quand la pluie s’est mise à tomber, elle a pris tout le monde par surprise, tellement c’était rapide. C’est alors que les pingouins se sont mis à applaudir, en signe de